Le jihadisme des femmes.


Il parait que les chercheurEs dans le domaine de la radicalisation qui mène au jihadisme en quête d’une vengeance de l’...
Abdelmajid BAROUDI

Il parait que les chercheurEs dans le domaine de la radicalisation qui mène au jihadisme en quête d’une vengeance de l’idéal blessé, ont compris que la réflexion sur ce phénomène en se focalisant sur un aspect sans tenir compte d’autres facteurs qui contribuent à l’élucidation des mobiles de cette soif à la mort, ne peut pas aboutir. L’ouvrage coproduit par Fethi Ben Slama entant que psychanalyste et le sociologue Farhad Khosrokhovar est en quelque sorte une réponse à notre requête, laquelle réponse ne prétend pas saisir le phénomène dans sa complexité, mais de par son analyse représente à un ajout qualitatif comme approche au jihadisme.

Bonne lecture à toutes et tous.

L’ouvrage : Le jihadisme des femmes, pourquoi ont-elles choisi Daech ? (1) coécrit par Fethi Ben Slama et Frahad Khosrokhavar rallie le constat à l’analyse. Ce livre ne se contente pas d’élucider le nombre de jeunes femmes qui ont rejoint les rangs de Daech, ni même le taux de leur intégration de l’Etat Islamique(I’EI) par rapport aux garçons .A côté des données qui enseignent sur l’assimilation des jeunes femmes et leur indentification, voire leur réponse à l’appel au jihad, l’analyse portée par un psychologue et un sociologue des dessous du pourquoi de ce choix pour la mort est très intéressante dans la mesure où elle nous renvoie à leurs appartenances sociales leurs mobiles et le sens de leur en quête.

J’avoue que ma lecture de cet ouvrage que je partage avec vous n’est pas exhaustive car elle n’aborde pas la totalité de ce travail, mais elle tente d’articuler l’approche sociologique avec celle qui capitalise sur le psychanalytique en vue de brosser les portraits de jeunes femmes jihadistes. D’où la pertinence des éléments que cet essai nous apporte contrairement à ce qu’on l’habitude de consommer à travers ce que nous balancent des médias Français et en particulier des chaines de télévisions comme discours réductifs dont la tonalité est souvent accusatrice.

En France, combien de femmes sont-elles jihadistes par rapport aux hommes ? Qui sont ces femmes qui se sont rendues aux territoires de Daech ? De quel milieu sont-elles issues ? Quelle utopie visent-elles ? Le surmuslamn et la surmusulmane sont-ils identiques ? Quel positionnement de l’héroïne négative par rapport à la surmuslmane et au surmusulman ?

Les deux auteurs de l’ouvrage en question ont préféré que leur entreprise psychosociologique débute par des caractéristiques générales relatives à la contribution de la femme au jihad. Par ailleurs, cette généralité, selon ma modeste lecture, nous ouvre sur des vérités dont le constat constitue le point de départ d’une analyse qui dépasse de loin l’amalgame. Que peut-on retenir des réponses que Ben Slama et Khosrokhavar ont formulées aux questions sus posées ? Et quels sont les points qui suscitent davantage de réflexion sur ces réponses par rapport au jihadisme des femmes ?

Le chiffrage des jihadistes femmes nous enseigne sur leur prédisposition à quitter le territoire Français pour aller croître l’effectif de celles et ceux qui constituent les « soldats » exécuteurs » d’un discours violent dont la mort devienne une vengeance d’un idéal blessé pour reprendre Fethi Ben Slama. Si le chiffrage qu’avancent les deux auteurs de la contribution de la femme au jihad selon lequel « en 2015, un jihadiste sur trois était une femme » (2), le déchiffrage de cette donnée nous renvoie à la prédisposition qui s’harmonise avec la capacité des cadres de Deach à recruter.

La carence sociologique du discours véhiculé dans des médias Français surtout ceux qui prônent une approche sécuritaire, sous-entend que le mal du terrorisme est attribué d’une manière réductive à la communauté musulmane .Qui dit communauté musulmane dit banlieue. Toutefois, l’analyse du jihadisme des femmes se distancie de ce raccourci en apportant des réponses réfléchies au phénomène de jihadistes, notamment les converties dont l’appartenance sociale n’est pas forcement symbole de précarité. « Qui sont les femmes qui se sont rendues sur le territoire de Deach ? En France elles sont majoritairement issues des petites classes moyennes et des classes moyennes surtout pour les converties. Dans leur majorité, ce ne sont pas des habitants de banlieues, à la différence d’une grande partie des jeunes hommes engagés dans les rangs de Deach, sans doute une proportion comprise entre les deux tiers d’entre eux a grandi dans les banlieues. » (3) Force donc est de constater que la version livrée par ces médias concernant le jihadisme en l’occurrence celui des femmes omet de discriminer entre l’appartenance sociale des converties et celle des jeunes jihadistes hommes .D’autant plus que cette approche démunie d’outils susceptibles de renforcer le vivre-ensemble et cultiver la différence attribue à tort, ce phénomène, à la communauté musulmane. Autrement dit, la recette que l’imaginaire social peut facilement assimiler, c’est celle d’avancer sans distinction aucune que seuls les musulmans sont à l’origine du mal. Or, les faits que Fethi et Farhad nous rapportent fustigent cette thèse propagandiste dès qu’il s’agit de converties. Je cite : « Une minorité importante parmi elles (de l’ordre d’un tiers, pour une proportion globale de de 20% des jihadistes en France et en Allemagne) sont des converties de familles chrétiennes, juives (quelques cas), voire bouddhistes agnostiques ou athées. » (4)

De quoi rêvent-elles, ces femmes jihadistes ? Il va sans dire que le rêve est une alternative à la réalité. Seulement voilà, chez les femmes jihadistes le rêve revêt un cratère utopique dont la complémentarité n’a rien d’égalitaire du moment où le statut recherché dans cette optique utopique cautionne l’infériorité de la femme et stimule davantage l’image de la masculinité dans le rapport homme/femme. Ainsi, l’idéal s’identifie au mari, mais pas n’importe lequel. Un mari « qui s’expose à la mort et se montre viril, sérieux et sincère ». On est là face un contraste dans lequel l’éthique qu’exige une vie raisonnable s’associe au néant car c’est la violence exercée par le mari qui donne un sens divin à la mort et prolonge la vraie existence dans le néant. La sincérité que recherche une femme jihadiste chez un homme n’est pas perçue entant que norme favorisant un vivre-ensemble au sein d’une collectivité qui s’enrichit de la différance et de l’altérité, « elle se conjuguerait avec une bonne « inégalité » avec une « complémentarité » au sein du couple. » (5) Autrement, la notion de mariage dans la perception jihdiste est totalement contradictoire à la notion du Droit non seulement parce qu’elle renonce à l’égalité mais aussi elle conditionne la vie à la mort tout en essayant de détruire tout ce que la sécularisation a instauré en termes de liberté de conscience et de choix. Le mari idéal de la femme jihadiste, c’est celui qui est capable d’affronter la mort. Cette « utopie anthropologique » pour reprendre les deux auteurs de cet ouvrage, s’inscrit dans un discours archaïque, ennemi du dialogue et animé par la volonté d’ôter à l’Humain son sens relationnel, citoyen en s’arc-boutant sur « l’islam dans sa version jihadiste »(6) qui satisfait aux besoins contradictoires d’une partie de la jeunesse européenne. »(7)

S’agissant de la notion de la surmusulmane et l’héroïne négative, il me semble qu’ils s’inscrivent dans la continuité de ce que Fethi Ben Slama a accumulé comme réflexions sur le sujet islamique. D’où l’intérêt d’une association de ces notions au concept du surmuslman dans le but d’élucider les points d’intersection entre la surmusulmane et le surmuslma et en même temps une discrimination ou distinction est utile pour soulever la discorde entre les deux concepts, si discorde il y a. Le surmusulman et la surmusulmane , évoluent-ils dans le même processus ? Qu’apporte la notion de la surmusulmane de nouveau par rapport au sumusulman ?

Dans une lecture que j’ai faite sur l’essai écrit par Fathi benslama,j’ai évoqué qu’il « est important de souligner que ce processus allant de l’identification jusqu’à la suridentification est conçu comme un réseau dont les relations entre les constituantes se dynamisent inconsciemment par des conflits, au sein desquels le surmusulman voudrait se positionner comme réparateur d’un ordre « happé » par l’histoire et que les pro- lumières internes et externes voulaient perdurer. Il fallait donc attaquer la faille identitaire afin de rétablir l’image écornée de l’idéal en empruntant la voie de la radicalisation. Autrui n’est pas un semblable (9) .Telle est la découverte qui motive la désidentification car elle représente l’anomalie dans ce réseau dont la différence est gérée par la violence. De l’identification à la désidentification, la rupture même avec le proche est nourrie par des discours visant à déstabiliser une personne en quête d' identité. C’est au prédicateur de se charger du « lavage du cerveau » en imputant aux prédisposés à la violence nue tous les qualificatifs de trahison de leur origine .Ensuite, vient la phase finale de ce processus identitaire ou le remaniement de ce qui a été commis pendant l’identification, c'est-à-dire une coupure par rapport à autrui y compris les parents. » (10) Tout semble se dérouler d’une manière dialectique, sauf que dans le cas de la construction du surmuslam, l’identification arrive au dernier moment, chose qui est incompatible avec la dialectique exigeant l’identification de la thèse avant de la contredire. S’ajoute à cela, l’antithèse dans ce processus dialectique s’affirme en tant que dynamique historique contrairement à la désidentification du surmusulman qui nie l’histoire et élimine la raison dans sa constitution.

Arrive la phase de comparaison entre le surmusulman et la surmusulmane. Que dit le jihadisme des femmes de la surmusulmane? Si le surmusulman comme ça été susmentionné se positionne entant que réparateur d’un idéal blessé ou d’un ordre happé par l’histoire où la violence prime au détriment de la persuasion , la surmusulane « est celle qui adopte l’idéologie d’un islam identitaire hyper fondamentaliste où elle puise des ressources pour se doter d’un habitus cohérent et d’une conception de soi qui s’affirme dans une forme d’existence distincte voire en tension par rapport à la société .» (11) Son mode opératoire est similaire au processus de désidentification du surmusulman dans la mesure où celui-ci compte réparer l’anomalie causée par l’histoire. Bien que le surmusulman représente la finalité de cette enquête de soi par l’action jihadiste dont la violence est équivalente à la mort, la surmusulmane « tente de « dé séculariser » la société afin d’y puiser un sens nouveau tant il est vrai que la modernité hyper sécularisée qui est la nôtre est le théâtre de la dilution du sens et de sa déliquescence. »(12) Seule l’héroïne négative peut assigner à la complémentarité inégalitaire son sens violent car elle ne se limite pas à l’affirmation de soi entant que sursusulamne mais elle va plus loin dans la mystification de l’existence en empruntant au jihadiste sa violence.

Au final, cette modeste lecture comme je l’ai évoqué auparavant ne peut pas cerner toute la problématique du jihadisme des femmes telle qu’elle est développée dans cet ouvrage. J’ai simplement essayé, selon ce que mon modeste entendement m’a dicté, de dévoiler quelques traits de l’approche duale transitionnelle qu’est le fruit d’une complaisance signée par un sociologue et psychanalyste.

Abdelmajid BAROUDI

Notes

(1) Fethi Ben Slma

Farhad Khosro Khavar

Le jihadisme des femmes

Pourquoi ont-elles choisi Daech ?

Seuil

Septembre 2017

(2) Ibid,page :14

(3) Ibid, page : 14

(4) Ibid, page : 15

(5) Ibid, page : 16

(6) Ibid, page : 19

(7) Ibid, page : 19

( (9)(10) Abdelmajid BAROUDI

(9) le surmuslaman. Lecture d’un furieux désir de sacrifice de Fethi Ben Slama.

(11) Le jihadisme des femmes. Page : 45

(12) ibid, page : 45