Relire Sur les pas de Saint-Augustin

Lire tout d’abord afin d’échapper au leurre dans lequel le superficiel voudrait nous introduire. Le premier rapport au t...
Abdelmajid BAROUDI

Lire tout d’abord afin d’échapper au leurre dans lequel le superficiel voudrait nous introduire. Le premier rapport au texte consiste non seulement à comprendre, mais aussi, et c’est ça le plus important, à chercher dans ce texte ce qui pourrait parler à nos prérequis. Autrement dit, l’éthique réflexive qu’impose le verbe lire nous incite à nous repenser. Car le texte offre l’opportunité de réfléchir en gardant en tête la concordance imaginaire de nos références avec lesquelles on lit le texte, son dit et non-dit. L’ouverture est donc mutuelle. C’est moi qui m’ouvre sur le texte en y cherchant ce qui pourrait répondre à mes questions que d’autres lectures ont déjà formulées. D’autre part, le texte m’invite dans son univers si complexe qu’il m’est difficile, voire impossible de tout saisir. Sinon, je ne suis plus lecteur, je deviens moi-même écrivain. Je trahis mon statut.

Relire.

Relire, n’est pas lire plusieurs fois. Ce n’est pas un acte répétitif. Relire, c’est lire enquête d’un autre détail que la deuxième lecture nous permet d’appréhender. Dans chaque relecture du même texte, il y a toujours du nouveau. Que vise une relecture ? Si la première lecture se focalise sur ce que le texte met en exergue, la deuxième lecture se faufile dans les interstices du texte. Elle cherche à replacer la marge au centre.

L’ouvrage Sur les pas de Saint-Augustin, écrit par Mustapha Kebir Ammi nous autorise à tenter l’interaction entre lire et relire.

Ma première lecture de ce texte m’a conduit à considérer que la figure de la mère occupe une place déterminante, dans la mesure où l’affection qu’éprouve Monique envers son fils, qui n’est autre que Saint Augustin, le suit partout, là où il va, à la recherche d’une spiritualité. Contrairement à la figure du père dans Un génial imposteur (2) du même auteur qui paraît comme une trahison d’une relève qui n’a pas eu lieu, me semble-t-il. Shar qui se fait passer pour un héros, n’est en fait qu’une trahison d’une continuité.  Car le corps du père annonçait sa fin en tendant la main au fils. Ce geste déroge au déterminisme. Du coup, le verbe sacrifier perd son sens puisque l’histoire que représente le père ne s’est pas manifestée par le toucher de cette main.

Ma deuxième lecture de Sur les pas de Saint-Augustin se passe de la spiritualité et de l’histoire qui peut paraître dans une lecture critique comme thème qui prime dans ce récit. Il me semble qu’une autre piste dans laquelle la métaphore l’emporte sur le descriptif peut aboutir. Il s’agit de la relation des pierres de Madaure avec la mort. C’est dans cet interstice au sein duquel hiberne la créativité que couvre la fiction. Il suffit simplement de la dénicher. Il s’ensuit que les pierres de Madaure se convertissent en personnages. Elles aimeraient fausser compagnie à la mort pour reprendre Kebir M. Ammi. Les pierres de Madaure, vêtues de gloire, parlent et expriment leur citoyenneté à la vie.   Elles ne sont pas là pour témoigner d’une sacralité qu’exige la spiritualité, ni même pour illustrer le  dernier périple vers l’éternité que dicte le rituel de la mort.  Assoiffées de savoir et pleines d’orgueil, ces pierres vêtues de gloire optent pour la meilleure signification de l’existence : je pense donc je suis. Et cerise sur le gâteau, ces pierres sont fières que le jeune Saint-Augustin foule des pieds le sol de leur ville. Fouler des pieds n’est pas un acte violent exprimant une telle colère, au contraire les pierres de Madaure voient dans cet acte un prestige parce qu’elles accueillent Saint-Augustin dans ce patelin et l’observent marcher sur son sol. C’est une bénédiction que le ciel leur a offerte.

Au final, Sur les pas de Saint-Augustin n’est pas simplement un texte qui fait partie de l’histoire et qui raconte une spiritualité errante, mais également un périple de métaphores que seule une deuxième lecture peut dénicher.

Je vous recommande cet ouvrage.

Notes

(1)    Sur les pas se Saint-Augustin

Editions des Presses de la Renaissance

(2)    Un génial imposteur

Editions MERCVRE DE France.