Tentative de lecture de La demoiselle D’ahermoumou 1

Ahermoumou, la blessure du nom commun, la spontanéité de la géographie que l’histoire a happée, la condamnation d’un cri...
Abdelmajid BAROUDI

Ahermoumou, la blessure du nom commun, la spontanéité de la géographie que l’histoire a happée, la condamnation d’un crime que nous n’avons jamais commis. La demoiselle d’Ahermoumou retrace le parcours d’une volonté enquête du bonheur. Mais quel bonheur ? Celui d’une jeunesse qui rêve d’un avenir susceptible de gommer les cicatrices d’une injustice. La vallée de Zloul en est le témoin. Aicha est la traduction de cette aspiration qui veut se tourner vers l’horizon dans le but de refaire une nouvelle virginité synonyme d’innocence.  Qu’elle s’estime heureuse, elle a de la chance d’être sélectionnée parmi celles qui devraient intégrer la faculté des lettres à Fès. Elles sont rares les filles du bled qui jouissent de cet atout, tout en sachant que c’est un droit. Savait-elle que ce périple allait lui faire oublier la plaie béante qu’elle a ramenée avec elle ? Le nom maudit qu'est Ahermoumou nuit à la réponse qu’elle doit donner dès lors qu’on lui demande d’où elle vient. Peu importe, elle est là pour poursuivre ses études et exceller dans le français qu’elle a appris grâce à Madame Louise Cousson.  Elle ne savait pas que ce milieu estudiantin génère, dans le même temps, de la frustration et de l’espoir. Mais son sens de distanciation qu’elle a développé par le biais de la lecture lui permet de distinguer entre la bonne volonté et l’arrivisme. Dhar El Mehraz diffère de l’Agora. A Dhar El Mehraz, le débat avoisine la violence nue, tandis qu’à l’Agora, l’argumentation est la reine de la raison. On y discute ferme, conformément au rite du logos. A Dhar El Mehraz, le doute n’est pas cartésien. Il faut choisir son clan. Soit tu es militant et on t’attribue le qualificatif de « camarade », soit tu es engagé au sens religieux et on te colle l’étiquette de « frère ». Sinon, tu es suspect. Derrière ces énumérations s’entassent des pulsions qui craignent le surmoi de la foule. Les cercles de Dhar El Mehraz n’ont rien avoir avec le cercle de Vienne. Qu’a-t-on récolté de ces débats souvent houleux et parfois mortifères ? Rares sont les militantEs qui sont restéEs   fidèles à leurs principes. Elles et ils ont réussi à réconcilier le savoir avec la tolérance qui fortifie la différence.  Aicha ne s’est jamais souciée de ces grandes problématiques qui invitent à la contradiction. Elle est étudiante « normale » à l’image de son patelin rongée par la souffrance de la marginalisation. Mais elle ne savait pas que par la suite on allait lui arracher son prénom comme on l’a fait avec son village natal. Aïcha est devenue Nadia et Ahermoumou, Ribate El Kheir. Du coup, la chèvre de Monsieur Seguin fut dévorée par Petite Lionne. Putain de merde ! Comment se sentir en sécurité dans un monde qui te prive de l’essence de l’humanité et bafoue ton droit d’aimer. Le rêve d'Aïcha est brisé. Elle finit par sombrer dans l’inconnu. Nous savons toutes et tous ce que veut dire prostituée dans un contexte où l’institution est synonyme d’opacité. Avait raison celui qui disait que la justice est la fabrication des pauvres. Que dire de l’équité ?

Rien ne console hormis le retour à la terre natale. C’est dans cette magnifique vallée de Zloul que Aicha a rencontré le monde dans une langue Amazigh hospitalière, laquelle langue n’a jamais nié ses enfants. C’est en contemplant le blanc que vêt le mont Bouiblane qu’elle a retrouvé Aicha et Ahermoumou qu’elle a perdu de vue depuis qu’elle a enfilé l’amertume des apparences. Elle ne sera jamais Nadia car elle est fidèle au sang et à la couleur de la terre qu’ils l’ont accueillie.

​                              ​                              ​                          Abdelmajid

​                              ​                              ​                BAROUDI

(1)    La demoiselle d’Ahermoumou

Roman écrit par El Mostapha Bouignane

Maison d’édition Marsam. 2024